De fil en aiguille

Quand l’inattendu s’invite dans votre quotidien …

            Pendant trois belles années, nous avons compulsé, épluché, décortiqué des documents parfois plus que centenaires. L’Histoire se découvrait, patinée par le temps :  des portraits jaunis, une calligraphie complexe, riche en arabesques, et même un petit journal taché de sang, comme celui de notre poilu Edouard Binois. Mobilisé de la première heure, il est nommé maréchal des logis. Chaque jour, dans un petit carnet qu’il portait sur lui, il notait au crayon à papier les grandes lignes de sa journée au front. Jour après jour, conscient de vivre des moments historiques, jusqu’au 13 septembre. Le 19, il est fauché dans la cour du château de Roucy, avec deux de ses canonniers.

            Ce carnet, témoignage unique et personnel, c’est son fils Georges qui l’a conservé précieusement dans la famille. Tout comme le texte de la mobilisation, encadré et affiché dans une des pièces de la maison familiale de Meudon, ou encore les nombreux numéros de l’hebdomadaire illustré, « Le Miroir ». Nous voilà au courant des secrets de cette famille. C’est que chez eux, l’histoire familiale est à l’honneur. C’est d’ailleurs son petit-fils, M. Jean Binois qui a rédigé la biographie de son grand-père.

(de gauche à droite) M. Estrade, Mme Binois, Mme Barland, Mme Paré Fernández, M. Binois et ses deux filles, Emmanuelle et Delphine.

            Le 30 septembre 2022, 108 ans plus tard, Mme Barland, M. Estrade et moi-même, nous avons eu le plaisir d’accueillir M. Jean Binois, âgé de 70 ans, accompagné de son épouse et de ses deux filles. Ces dernières ont repris à leur tour le flambeau de la mémoire et ont fait une belle surprise à leur père : partir le temps d’un week-end sur Madrid, sur les traces de ce grand-père parti trop tôt. Un passage au Lycée Français de Madrid s’impose, comme une évidence. C’est là l’occasion pour nous de tenir dans les mains le fameux carnet, trouvé sur le corps de ce poilu.

(de droite à gauche) M. Binois et ses deux filles, Delphine et Emmanuelle.

            Mais, le temps presse. Nos visiteurs ont un programme bien chargé. Fouler les mêmes pavés que cet ancêtre qui a déménagé pas moins de quatre fois sur Madrid : calle Cervantes 1 et calle Nuñez de Balboa 17, entre autres. Se rendre à l’église de Saint-Louis-des-Français, là où il s’est marié avec Francine Célestine Nicolot.

            Un week-end riche en émotions et une certaine plénitude, celle de savoir que la mémoire de cette famille reste vivace.